Blog Carte postale de l’Inde
Je me lève tôt. J’ai bouclé mon sac la veille. J’ai anticipé, avec l’aide de Narveen, comment aller à l’aéroport de Pondichéry. Je préfère prendre le bus au taxi. Mais il n’y a pas vraiment, surtout à cette heure-ci, de solution pour aller rejoindre l’arrêt. Ça sera donc en autorischaw. Heureusement que j’avais pris de l’avance : après plusieurs dizaines de minutes d’attente, une jeune indienne se fait déposer et me demande si nous sommes bien à l’arrêt du bus qui va à l’aéroport. Bon, c’est déjà ça, nous avons la même info… peut-être que le chauffeur du bus, lui, ne l’avait pas, parce qu’il n’est jamais passé…
Une voiture s’arrête et discute avec Pryanka, c’est son prénom, qui me demande si je veux partager ce taxi avec elle. C’est probablement un taxi au noir d’ailleurs, parce qu’il nous demande pour deux la moitié du prix que l’hôtel m’avait proposée seule. Ou alors, c’est encore c’était encore le “supplément touriste”…
Nous voilà en route pour l’aéroport. Pryanka doit s’y rendre, non pas pour prendre un avion, mais pour un entretien d’embauche dans un duty free. Elle a un emploi, mais les boutiques de l’aéroport payent bien mieux qu’en ville. L’aéroport est assez loin, mais la voiture va plus vite que le bus. On a donc le temps de s’arrêter, le chauffeur nous ramène à manger. C’est ma dernière étape, ici, dans un monde encore indien, parce que quelques minutes plus tard, je plongeais dans l’univers hyper occidentalisé de l’aéroport. Deux heures plus tard, je suis suis enfin à Pondichéry.
C’est la première fois que j’y arrive en avion. En fait, l’aéroport est assez proche de la ville, mais il n’y a pas de bus pour rentrer. Il faut dire que je suis un peu à l’arrache, je connais tellement Pondichéry que je n’y anticipe rien. Même ce que je devrais ! Je n’ai qu’une phrase en tête : “Je suis rentrée à la maison. Enfin !“. Je ne sais même pas où je vais dormir. Audrey a rendu la maison où je devais la rejoindre en coloc, pendant le confinement. Ça ne servait à rien de la garder sans savoir quand on pourrait revenir. Je n’irai pas non plus chez Pichaya. Il n’y a plus personne à la maison depuis son décès, en mai 2021.
De l’aéroport à Pondichéry centre
J’aborde une jeune femme, qui me semble occidentale, avec des valises, afin de partager avec elle un taxi pour renter à Pondichéry. Ha, mais en fait, il n’y a aucun taxi en attente sur le parking ! Elle est avec sa mère, son mari, et leur fille de quatre ans. Si le taxi qu’elle a commandé est assez grand pour embarquer tout ce petit monde, je le partagerai avec eux ! C’est le cas, et nous discutons sur le trajet. Lydia est Indo-Russe. Elle vit aujourd’hui en Russie, mais elle a grandi dans le Punjab. Sa beauté doit d’ailleurs venir de ce métissage. Elle est sublime, avec ses cheveux noirs au carré, de grands yeux bleu-gris et un teint clair légèrement doré. Et il semble que ces yeux hypnotiques soient communs aux trois générations : sa maman et la petite ont les mêmes !
Ils me demandent où ils doivent me déposer. Ben, j’en sais rien, en fait… Leur hôtel est sur la rue de Bussy, l’une des principales artères de Pondi, très proche de white town. Ils insistent un peu pour que je rentre avec eux dans l’établissement, mais je sais déjà, rien qu’à sa façade, que les tarifs ne vont pas rentrer dans mon budget. Ceci dit, c’est superbe, tout en pierres claires avec un patio intérieur.
Me voilà dans la rue de Bussy, à quelques dizaines de mètres de mon quartier de MG road. Je me pose quelques minutes pour appeler mes amis et trouver un hébergement. Devoir trouver un hébergement à Pondichéry… C’est étrange… Comme si j’étais une touriste alors que, parallèlement, j’ai enfin le sentiment d’être rentrée à la maison. Je réserve une chambre dans une guest-house, qui est plutôt un petit hôtel, sur MG Road. Il y a une promo, le prix est intéressant. Il faut dire que les hébergements à Pondichéry sont assez chers. C’est une ville très touristique.
J’avertis de mon arrivée Yuvraj, Khartik, Amitha et Logesh. Notre petite famille a quand même pris du plomb dans l’aile : j’ai perdu le contact avec certains, d’autres ont déménagé. Sonali, que je vous ai déjà présenté, est à Bîdar. Son petit copain Bharath travaille maintenant à Chennai. J’aurais bien aimé revoir Balu, Karna et Vignesh, qui travaillaient avec Pichaya, mais si je les appelle, ils vont prévenir mon ex, et je n’ai pas envie de le voir. Puis évidement, Pichaya, qui est décédé il y a un an, presque jour pour jour, manque aussi.
Pichaya Manet : personnage incontournable de Pondichéry, mon très cher ami
Pichaya Manet était avant tout, pour moi, mon ami. Nous nous engueulions autant que ce que l’on s’aimait. Il est un des rares à me connaître à la fois en Inde et en France. Il était aussi mon premier soutien. Pichaya Manet était aussi une figure emblématique de Pondichéry. Comme son frère Ragenath, il a eu dans sa jeunesse une belle carrière en danse Bharath Natyam. Ils ont d’ailleurs, dans les années 90, contribué à l’essor de cette danse classique du sud de l’Inde dans le monde entier. Leur sœur Vassanty était aussi une danseuse de très haut niveau.
Les années faisant leur œuvre, Vassanty a ouvert une boutique de créations de sacs et d’objets de décoration, très raffinée, Ragenath a poursuivi dans le spectacle, et Pichaya, devenu peintre, a également ouvert un restaurant et une guest-house à Pondichéry. Ils avaient un autre frère, Ravi. Ravi était connu pour les grands établissements de restauration qu’il tenait à Pondi. Il a suivi Pichaya dans l’hécatombe Covid de mai 2021, la semaine suivante. Ils ont aussi une autre sœur, qui vit à Londres, que je n’ai rencontrée qu’une fois.
Le neveu de Pichaya devrait reprendre le restaurant, l’E-space, mais le tourisme n’ayant pas tout à fait repris en Inde, il est encore fermé. L’E-space, si vous êtes allé à Pondichéry, il y a des chances que vous connaissiez. Situé au début de la rue Laboudonnais, dans le quartier de white town, l’ancienne ville coloniale, c’était un endroit atypique où l’on se sentait bien. Totalement à l’image de Pichaya, le restaurant faisait également galerie d’art. La décoration, un peu bric à brac, mélangeait les tableaux, les statuettes, les portes en bois sculptées ouvrant sur rien, des tables et des chaises en bois complètement dépareillées. Tout cela dans un style bobo dans lequel on adorait passer du temps et faire des rencontres. Parce que l’E-space était avant tout un lieu où l’on créait du lien. Comme à la maison, la Villa Pondichéry, qui faisait guest-house.
La porte en était toujours grande ouverte, et tout un tas de gens passait pour se retrouver devant un café. Un vrai café, pas un café lyophilisé ! Des tas d’amis que Pichaya avait le don de se faire, des Français installés à Pondichéry comme les jeunes que Pichaya aidait, parfois depuis qu’ils étaient enfants, dont certains avaient vécu à la maison. Tout ce petit monde est devenu une famille. Et nous sommes orphelins.
Khartik, et surtout Yuvraj faisaient partie de cette famille. Il me tarde de les revoir. En attendant, je vais m’installer dans la chambre, poser mes affaire et prendre une douche ! Waouh, il fait chaud !
La drague à Pondichéry : un “sport national” !
Arrivée sur place, il n’y a pas de bureau d’accueil, pas même d’indication hormis le panneau sur la façade. Je ne suis pas sûre que l’entrée soit bien ici. Je monte les étages… personne… Dans les escaliers, je croise un jeune gars qui monte, puis m’aborde alors qu’il redescend. Oui, tu peux m’aider, c’est bien ici ? Ok, il faut les appeler. Raja, comme il s’appelle, tient la boutique de fringues pour hommes au rez-de-chaussée de l’immeuble. Bouaha, il est cash ! Drague de high level, embrouilleur de première, dont je ne sais même pas comment il a fait pour me convaincre de prendre son numéro de portable ! Peut-être pour qu’il me lâche ! Bon, il faut avouer quand même qu’il est particulièrement beau !
La fille du ménage arrive, elle ne parle quasiment pas anglais. Autant ça allait plus au nord, au pire je me débrouillais en hindi, mais il est rare que les Tamils parlent hindi. D’ailleurs, beaucoup préfèrent l’anglais, voire le français, que la langue des Indiens du nord qui veulent imposer la suprématie de l’état central. Il faut dire que les Tamils ont depuis longtemps des velléités de séparation, ou tout au moins de reconnaissance de la culture particulière Dravidienne, celle du sud de l’Inde.
Je reçois un appel de Pryanka. Elle n’a pas eu le job au duty free de Hyderabad. Puis ça lui faisait vraiment loin de chez elle, cher pour y aller, avec des horaires pas pratiques. Je ne suis plus dans la conversation, Hyderabad me semble déjà loin. Je suis à Pondichéry.
Vite, une douche, puis j’ai hâte de retourner marcher dans les rues de cette ville qui m’a tant manqué. D’entendre l’océan. De retrouver mes amis.
Phir milenge !
Que s’est-il passé avant, dans ce blog ? :
A Mumbai, c’était Épisode 1 : L’arrivée à Mumbai, Épisode 2 : Les quartiers de Mumbai, pour faire la fête, Épisode 3 : Sortir à Mumbai , ou vers la plage Épisode 4 : Juhu.
Après, je suis allée à Bîdar, oui oui, il y a une Bîdar en Inde, retrouver dans l’Épisode 5 : Ma famille Indienne, on a visité le temple Sikh Guruwarda, et passé du temps avec les enfants. On a aussi, fait, dans l’Épisode 8, la visite de Bîdar et des alentours.
Dans l’Episode 9, j’arrivais à Hyderabad, puis je vous amenais dans le temple Birla Mandir. Le jour d’après, en me promenant, je faisais une rencontre surprenante !